jeudi, mars 28 2024

Depuis le début du mois de juin, le Mali traverse une crise politique sans précédent de l’ère IBK. Elle est marquée par deux grandes manifestations réclamant la démission du président Ibrahim Boubacar KEITA. Il s’agit des manifestations des 5 et 19 juin. les raisons des manifestations anti IBK sont multiples.

En effet, après la première manifestation qui avait déjà rassemblé plusieurs dizaines de milliers de personnes, le 5 juin, dans la capitale malienne et qui a donné son nom à la contestation, « Mouvement du 5 juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP) », la ville de Bamako va connaitre une deuxième manifestation le 19 juin. Face à ces manifestations, deux anciens présidents maliens et la CEDEAO ont tenté une médiation. Ce qui avait conduit à une main tendue du président IBK. Toutefois, la main tendue du président IBK ne semble pas recevoir un écho favorable. Plusieurs interrogations méritent d’être posées.

Quelles sont les réelles raisons des manifestations anti IBK ? Quelles peuvent en être les raisons inavouées ? Qu’est ce qui fait la force de cette mobilisation ? IBK partira par la rue ou va-t-il résister la pression populaire ?

Les raisons des manifestations anti IBK sont multiples

Même si la situation du Mali n’est pas rose avant l’arrivée au pouvoir du président IBK en 2013, et réélu en 2018, un consensus se dégage autour de la perte de la légitimité du Président malien. Se référant à ses projets de société, le citoyen malien se rend compte que rien n’a été respecté et que le président aurait trahi le peuple.

Parmi les raisons des manifestations anti IBK, il y a indubitablement la dénonciation de la mauvaise gestion, de la corruption, les arrestations arbitraires, mais aussi et surtout la question de l’insécurité. Selon le journaliste malien Mohamed DAGNOKO, observateur de la crise, la mauvaise gestion et la corruption minent sérieusement le régime IBK, car « le rapport de vérificateurs général fait ressortir le détournement de plusieurs milliards sans aucune suite ». A ces problèmes, s’ajoutent, selon Ramata COULIBALY, Coordinatrice M5 RFP, « les problèmes d’eau, d’électricité, d’éducation et de santé ».

L’insécurité est aussi l’une des raisons des manifestations anti IBK. Il faut noter que  le Mali vit sous une insécurité indescriptible. Si jadis, insécurité concernait plus le Nord Mali, aujourd’hui, elle a gagné le centre et l’on affirme que seul le périmètre de Bamako est pour le moment épargné. En raison de l’escalade de la violence djihadiste et intercommunautaire dans le pays, le Mali a connu ces derniers temps l’horreur des massacres où environ 160 civils ont été tués fin mars 2020.

Par ailleurs, comme le révèle le journal le Monde du 15 juin 2020, « vingt-quatre soldats » ont été tués après une attaque imputée aux djihadistes. Ce qui équivaut à une section de l’armée malienne. Au total plus de 5000 soldats et civils auraient été tués. A tout ceci, l’on peut ajouter la dénonciation des arrestations arbitraires et surtout l’enlèvement du chef de file de l’opposition, Soumaila Cissé.

Si ces raisons apparaissent légitimes, il faut dire que la constitution malienne ne reconnait pas ce type de renversement du pouvoir et de surcroît un président réélu démocratiquement. Il s’agirait d’un coup d’état civil. le rejet de tout accord autre que le départ de IBK pourrait cacher des raisons et intérêts inavoués ?

Si malgré la première tentative de médiation, le M5 reste toujours intransigeant, il est nécessaire de s’interroger sur la force de cette mobilisation ou organisation.

L’une des raisons des manifestations anti IBK réside en un Homme

Au delà des raisons des manifestations anti IBK évoquées plus haut, il y a aussi l’image emblématique du meneur de la lutte. En effet, à la tête du M5-RFP , qui rassemble des responsables religieux et des personnalités de la société civile comme du monde politique, se trouve un homme à influence croissante. Il s’agit de l’imam rigoriste et patriote, ancien allié du président IBK, désormais bête noire du pouvoir.

En effet, l’histoire entre président IBK et Mahmoud DICKO commence en 2013 quand ce dernier appelait à voter pour IBK, qui à l’époque l’avait largement emporté face à Soumaila CISSE. Avant la fin du mandat en 2018, survient la rupture entre « les amis d’hier ». En décembre 2018, l’imam après la réélection d’IBK pour son second mandat est en guerre avec le Premier Ministre Boubèye SOUMEYLO dont il obtient la démission grâce à une manifestation populaire le 5 avril 2019.

L’imam Mahmoud DICKO bénéficie d’une autorité morale en étant sunnite. Or, il y a beaucoup d’adeptes pour ce courant dans la lutte qu’il mène. Ce qui fait qu’il est très écouté par les religieux, mais aussi ceux qui ne le sont pas parce qu’il défend les causes nobles. D’où sa véritable force. Converti à la politique depuis qu’il a lancé, en septembre 2019, la structure de la Coordination des mouvements, associations et sympathisants (CMAS), Dicko s’est érigé en véritable opposant d’IBK. l’influence acquise par ce Monsieur, ne peut être éludée des raisons des manifestations anti IBK.

Dans cette logique, un ultimatum a été lancé pour constater cette démission du président Keita au plus tard à 18 heures du vendredi 5 juin passé. Les menaces du tout puissant religieux sont enrobés de rappels historiques sur la grandeur passée du Mali en ces termes « IBK n’aime pas les ultimatums, mais cette fois, s’il ne nous écoute pas, il verra pire qu’aujourd’hui », avait-il déclaré.

Face à cette situation, et comme toujours, la communauté internationale aidée par les anciens présidents maliens (Moussa TRAORE et Amadou Toumani Toure) et une délégation de la CEDEAO tentent une médiation avec l’imam DICKO. Cette médiation « n’a pas donné grandes chose », a reconnu un membre de la délégation interrogé par l’AFP.

Par ailleurs, notons que l’imam s’adressait aux manifestants en ces termes : «  Nous avons accepté d’échanger avec la CEDEAO, parce que ce sont des bons voisins. Nous leur avons donné des assurances que nous n’allons pas mettre le feu au pays. Mais, nous allons nous battre jusqu’à la satisfaction de notre demande ». Dans l’optique d’apaiser les tensions, le président Keïta a tendu la main en faisant des concessions ces derniers jours à ses adversaires, en ouvrant la voie à un gouvernement « d’union nationale ».

Malgré le fait que l’imam DICKO ait rencontré le chef de l’État et discuté avec lui, il a maintenu son appel à manifester « en masse » le vendre 18 juin, se gardant toutefois de réclamer lui-même sa démission. « Il n’a pas tiré la leçon, il n’écoute pas les gens. Mais cette fois-ci, il va comprendre », avait-il averti  devant la presse.

La main tendue du président IBK n’est pas encore acceptée. Pour Abraham Sory SIDIBE, porte-parole du collectif Diaspora pour la Libération de Soumaila CISSE, « cette main tendue est un peu tard ». A ce titre, il fustige la règle ou la répétition des « gouvernements d’union » qui selon lui, n’ont jamais constitué une solution fiable. Mais, le pouvoir fait savoir qu’en cas d’échec des négociations, c’est tout le Mali qui en pâtira et serait laissé aux mains des djihadistes.

Pour l’heure, même si les adversaires d’IBK lui proposent soit de sortir par la grande porte en démissionnant, soit de sortir par la fenêtre en refusant et se faire chasser par la rue, il urge de toujours donner la chance à la négociation et à la médiation afin de ne pas créer une crise dans un pays déjà fragilisé par l’insécurité.

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