mardi, avril 16 2024

En l’espace d’une année et après le Mali, le Tchad, c’est au tour de la Guinée Conakry de vivre l’expérience du coup d’Etat. Même si le scénario n’est pas le même selon le pays, il semble que ces coups de force en Afrique ont été envisagés, par une certaine opinion dont les commanditaires et les auteurs, comme la solution ultime pour mettre fin à la contestation politique et à l’injustice sociale. Et quand, ce type de doctrine semble prospérer dans l’opinion et recevoir l’assentiment des nationaux comme des africains, c’est que l’État en Afrique doit définitivement se remettre en question…

En effet, un balayage furtif des médias locaux et des réseaux sociaux révèle que l’événement était aussi brusque qu’attendu. L’opinion publique nationale comme sur le continent semble se délecter de la chute, de l’ancien opposant, du professeur de droit, devenu au contact du pouvoir un leader autocratique et âprement contesté. Ce qui en dit long sur l’échec de l’organisation interne de nos Etats.

Les Coups de force en Afrique, un véritable indicateur de l’échec de l’État

Partant des considérations sus énumérées, c’est peut-être là que les inquiétudes doivent naître. Que les populations commencent de plus en plus à considérer l’armée comme un moyen efficace à la rupture avec la dictature, est un danger. D’autant plus que l’armée est-elle même une institution très contestée sur le continent. C’est à la fois un imbroglio, un nœud gordien et un puissant indicateur que l’Etat démocratique a échoué et complètement. Normal donc que ces coups de force en Afrique se perpétuent.

La Guinée Conakry est le presque parfait échantillon de la belliqueuse situation entrainant des coups de force en Afrique. Un homme qui se croit à un tel point indispensable pour son pays, et pense qu’il ne peut vivre sans lui. C’est aussi, un manque criard de vision pour une population de plus en plus jeune avec de grands rêves et très peu d’opportunités. 1

Par ailleurs, la pauvreté ambiante et contagieuse, floutée par des rapports économiques tripatouillés, ont justement fait le lit de ces coups de force en Afrique. A cela s’ajoute une société gangrenée par la corruption, un pays où les tentacules de la métropole furètent dans les affaires publiques et cherchent à établir leurs intérêts.

Pire encore, les institutions étatiques sont aux ordres d’un clan politique et qui sont devenues caution de la mauvaise gouvernance et de violations des droits de l’homme, de toutes sortes. Il est difficile dans un tel contexte d’éviter ces coups de force en Afrique, sauf à basculer vers un régime ultra répressif et sanguinaire.

A lire aussi: COUP DE FORCE EN GUINÉE CONAKRY : POURQUOI LE PRÉSIDENT ALPHA CONDÉ A-T-IL ÉTÉ RENVERSÉ ?

Une persistance dans l’erreur

On pourrait imaginer qu’après ce énième coup d’Etat en Guinée, que nos dirigeants et surtout ceux des institutions régionales et continentales prennent conscience de l’avancement de la gangrène. Mais non, l’urgence africaine ne leur dit rien. Seule la conservation de leur fauteuil présidentiel ainsi que les privilèges associés comptent à leurs yeux.

Au contraire, les premiers prennent des mesures préventives plus sévères. Les seconds restent dans des discours de condamnation pour finir par négocier peut-être avec le nouveau maître du pays, qui on ne le sait encore, sera mieux ou pire que le précédent. De Camara à Condé, et maintenant un autre… Pauvre Guinée. 3

Avec l’épidémie des troisièmes mandats arc-boutés sur les modifications constitutionnelles intempestives, les coups de force en Afrique reprennent progressivement leurs droits. Avec les violations des droits humains qui ne choquent plus et se multiplient, l’Afrique (de l’Ouest) a reculé d’au moins 20 ans.

Nous reculons alors que les puissances du monde avancent vers le numérique, la crypto monnaie, l’exploration de l’espace et d’autres enjeux qui dépassent le siècle présent. En Afrique, l’Etat a échoué. Le discours n’est pas nouveau mais l’occasion est propice pour le rappeler.

A lire aussi: TRANSITION MALIENNE: À QUAND LE RETOUR À L’ORDRE CONSTITUTIONNEL ?

Philippe PLAGBE, Juriste, Spécialiste des Droits de l’Homme

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